Kali s'éveilla alors que l'aube ne pointait pas encore.
5h01Une bonne heure pour faire des conneries, pensa-t-elle en souriant.
Les murs et le plafond de son nouvel appartement en centre ville étaient déjà recouverts de peinture. Elle avait créé de grandes fresques, des formes indistinctes de boucles et d'arabesques chamarrées.
De grands pots de toutes les couleurs traînaient dans chaque pièce. Une large planche de bois soutenue par des tréteaux semblait être un bureau, et était encombré de feuilles remplies de couleurs, de crayons, et de bocaux contenant différents pigments : ocres, poudres d'hématite, oxydes de zinc, bistre, indigo, charbon de bois, poudre de cinabre et de lapis-lazuli (ça lui avait coûté un bras) et autres… Des liants aussi, comme de l'huile, de la résine ou de la cire. Le tout formait un grand empilement de choses colorées.
Kali sortit de sa rapide douche, ouvrit un placard et en sortit une éprouvette, qu'elle observa en plissant les yeux.
- Pas encore ça, la couleur…Elle vida le tube à essai dans l'évier de sa cuisine, prit une tranche de pain tout en enfilant sa veste et sortit dans la rue encore noire, sans oublier son énorme sac de cuir contenant tout son matériel.
La jeune femme secoua ses cheveux turquoise, et d'un geste souple enleva toute l'eau qui y restait encore pour la propulser contre un mur.
La veille, à son exposition, la galeriste lui avait dit :
- Kali, un client - assez riche - a tellement aimé tes peintures et sait que les fresques en ville qu'on voit fréquemment sont ton œuvre. Il se demandait si tu serais d'accord, moyennant finance, d'aller… Enfin…- Oui ? avait-elle froidement demandé.
- D'aller décorer l'un de ses murs, chez lui.- Il peut rêver, avait répondu Kali.
- Oh tu refuses, je m'en doutais… Tu devrais accepter, c'est un grand homme ! Il est influent, et tu commences à percer dans le milieu, il pourrait parler de toi...Et la galeriste avait déblatéré milles flatteries pour la convaincre d'aller chez le notable. Pathétique.
Pour qui il se prenait, celui là ? Elle n'était pas décoratrice d'intérieur !
Elle marchait d'un pas vif, sachant très bien où est-ce qu'elle se dirigeait. Les quartiers industriels. Là bas, tous étaient déjà levés, au travail ! La ville ne cessait de s'agrandir, encore et encore, et les industries croissaient sans cesse. Pas de repos pour les ouvriers, on se relayait pour produire plus, encore et encore, afin de nourrir le ventre de cette ville affamée. Le reste du monde n'avait qu'à bien se tenir, car Republic City grandissait, et s'épanouissait ! D'enfant la ville était devenue adolescent vorace, et bientôt elle serait une adulte géante et insatiable, broyant, découpant, triturant, pour créer quelque chose de nouveau. D'immenses constructions voyaient le jour, des tours plus hautes que les plus grands temples, les avenues s'agrandissaient, de nouvelles artères naissaient chaque jour, il fallait bien des veines, à cette créature ! Son cœur battait au rythme du centre ville, ses bras allait enlacer le monde à partir de l'industrie, sa langue se déroulerait en laissent couler les navires hors du port et ses neurones étaient ses quartiers résidentiels, ses cerveaux, toujours en perpétuel amélioration, se multipliant au fil du temps, au fur et à mesure que la ville grossissait, englobait, s'agrandissait.
Republic City !
Cette ville toujours en évolution ravissait Kali.
Elle arriva devant une grande tour. L'extérieur venait d'être terminé, et on n'avait pas encore enlevé les échafaudages.
Kali se hissa jusqu'au premier niveau à l'aide de l'eau provenant d'une grille d'égout toute proche.
6h04.Au loin, les petites lueurs de l'aube commençaient à percer. Un peu de rose, pas encore trop. La lune et le bleu profond étaient encore bien présents dans le ciel.
Elle grimpa jusqu'au dernier niveau de la construction. Là, c'était parfait.
Elle sortit ses grands bocaux, et grimaça en songeant que ça allait être tout juste suffisant.
D'un geste souple, elle fit glisser la peinture rouge jusqu'à ce qu'elle forme une immense sphère au dessus d'elle. D'un geste fluide, elle créa milles volutes, comme si une grande créature pieuvresque posait ses tentacules contre le mur de l'édifice, et commença son œuvre.
8h02.Les ouvriers du bâtiment démontaient l'échafaudage. Et écarquillaient les yeux.
Tout en haut de la tour, une immense fresque de toutes les couleurs, ne représentant pas quelque chose de concret, s'illuminait doucement à la lueur du soleil levant. Son interprétation était laissée à l'imagination de chacun.
Kali, déjà loin, admira son travail.
Pas mal, pensa-t-elle.
Et elle s'éloigna, son sac désormais vide sous le bras. Elle repassa rapidement chez elle, recharger ses bocaux de peinture, et repartit.
Direction les bas quartiers de Republic City ! Elle y avait déniché un marchand étonnant. Il faisait des toiles sur mesure, et ses produits étaient de première qualité…
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Invité le Mer 9 Jan 2013 00:07, édité 1 fois.