A écouter avec[spoiler]
http://www.youtube.com/watch?v=UEW8riKU_tE[/spoiler]
*"Il aurait tout ce qu'il voulait avant le décollage"
L'image le fit sourire. Un instant. Le temps de cligner des paupières, perdant l’expression dans le tissu profondément entremêlés de ses souvenirs et de sa réalité.
"Tout ce que tu voulais ".Tel un fondu coloré, la disparition du bureau se fit dans un rictus violent. Léger, en coin, cette mâchoire serrée, les muscles en tension a la limite de la rupture. Parfaitement silencieux.
Stoïque si on ne s'en tenait qu'aux veines de son cou qui battaient furieusement, son front dissimulé du rideau noir et profond de ses cheveux mi-longs.
La douleur en soit, naissait dans le bas ventre, sourde, une petite boule d'acier en fusion qui dévorait ses chairs petit a petit.
"Accalmie"Le rythme lourd, puissant du cœur qui éclate les tempes de son flux discontinu, battant le tempo d'une immersion pleine et totale dans ce brasier a sept origines.
L'antérieur des genoux pour commencer, symbolique de l'articulation du mouvement.
L'antérieur des coudes ensuite, étaies de la main, délicieusement mobile.
Le bas ventre, gardien d'un tout articulé, complexe, ancré dans une minutie impressionnante.
Le plexus, entre l'air et le sang, entre la naissance des mots au sens propre comme au figuré.
Puis la nuque. A l'arrière du crâne. Juste la ou un millier de chardons ardents éclataient d'un seul.
Les sept origines.
De loin les sept meilleurs manières de boucler profondément la violence contenue d'un feu dévorant.
Au delà du corps, l’esprit. Tourné, attentif. Patient, observateur d'une litanie aux accents connus.
Le cœur a ses raisons que l'esprit ignore, l'esprit a ses méandres que le cœur seul traverserait sans hésiter. Loin donc, loin de ce corps au supplice silencieux d'une petite mort sensorielle.
Mon premier tourne autour des rythmes, mon second est un fondement, mon troisième brille plus qu'aucune lumière, mon tout n'est pas une énigme mais bel et bien la raison de tout ce déferlement de puissance. C'est un sourire, et quelque part bien plus que ça.
Mais c'est un sourire que ses yeux voient, pour qui son cœur se serre. C'est un sourire doux, si beau et entier, tellement chargé, de tendresse, de pardon, qu'on en oublierait la perle de sang qui s'évade de ces lèvres fermées. C'est un sourire qui englobe le monde, et le soleil daignant rendre ce qu'il doit s'efforce de laisser ses derniers rayons rosées, vaporeux, caresser un visage anonyme.
Ces muscles en tension a la limite de la rupture... Pâle métaphore qu'est la réalité face au souvenir.
Blessé, mais conscient, englobant non le monde mais celle qui sourit, Draven hoquette d'horreur muette. Effaré, écartelé sur place par les ombres qui tentent de l'arracher a son étreinte. Une vie, une main qu'il fixe, qui s’élève pour effacer sur sa joue la trace que cette larme a laissée dans la poussière qui macule son visage figé.
L'instant l'est lui aussi, Solennel. Le tumulte général l'espace d'un instant laisse sa place au crépitement du feu qui ne cesse de se répandre. La prise de conscience, l'effroi, la douleur, la peur et le feu, tout transite lentement se nourrissant du bois sec comme des chairs du vivant. Le cœur s'arrête...
"Hyrr" reprend le dessus.
Alors le peau tendre de son pouce se coupe sur le fil tranchant d'une lame.
Alors Hartmann se met a vociférer des mots englués en incompréhensibles.
En ouvrant les yeux, la douleur, la fontaine et le vieux lavoir, les visages, le sourire, tout disparait.
En proie a un léger tremblement qu'il jugule en clignant des yeux a nouveau, Draven relève la tête.
Expression reconstituée d'un faciès de marbre que seul la sueur ruisselante dans son dos saurait trahir.
En respirant calmement, le jeune homme reprend pied complétement, retrouvant les sensations qui l'ont un temps désertée. Dans ce qu'il voit a présent, nul trace de sourire, seules les cicatrices, les sept marques grosses comme le poing continuent d'attiser faiblement le feu qui s'endort, en sourdine, parqué, complétement inerte et pourtant si présent.
De la vient sa première pensée cohérente. Et aussi vite qu'il sait s'évanouir en lui même revient la sensation du métal froid dans sa poche. Ses doigts caressent sans cesse la coulée d'un liquide tiédie par le froid de l'acier qui se coagule peu a peu. Le regard fixe, la perception d'un léger courant d'air et d'un parfum féminin familier déclenche a nouveau un sourire.
Difficile celui-ci, forcé de passer outre ces mâchoires douloureuses.
Le gout du sang dans sa bouche de s'être mordu les joues si fort. Le gout du sang et du regret.
Contrairement a Yiwang qu'il entend se tourner sur sa chaise, Draven ne bouge pas. Pour l'instant, l'inconvenant du réel visuel le pousse a lâcher la bride de sa curiosité. Ou plutôt a promener sa main entre ses cheveux pour venir du bout des doigts effleurer la peau boursouflée de la marque brulante sur sa nuque. Le contact est effrayant, presque autant que le fil tenu de volonté diffus qui dévastait sa logique pour laisser place a l'intime.
La mer en elle seule était une raison suffisante.
En temps normal, on prend goût par soi-même, parfois, on devient le réceptacle vivant des espoirs et des besoins soufflés trop vite.
Le roulis qu'il semblait être le seul a ressentir le berçait, lui suggérait a nouveau de se laisser aller mais sans cet étalage abscons et grossier, sans sauter les étapes. Bien que tentante fut l'offre, en se redressant, en reprenant sa stature, il la refusa dans son entier.
La peur de souffrir... non
Celle de revoir encore et toujours... peut être
L'appel de ses devoirs a la réalité qu'il avait choisit, plus que tout autre était la base solide de sa résolution.
Sa logique, son fait.
Craquelé comme un ancêtre, il entrapercevait a présent les bribes de phrases échangés. La jeune femme du port était comme il l'avait deviné montée a bord. Passible d'une peine terrible selon l'humeur du lieutenant, il continuait d'arborer son rictus devant cette scène maitresse pour la suite de quelqu'un mais qui lui apparaissait si loin ... de justement, la réalité.
On a parfois une bonne raison de renoncer a ses pouvoirs, mais on en possède rarement deux.*